[Delphine Descaves, « Périphérie intérieure » Le Matricule des Anges, n°85, juillet 2007]
« Le narrateur, un sans-abri, squatte une petite maison jaune, située sur une île de la banlieue parisienne ; maison qui pourrait être ici ou ailleurs, tant son locataire entretient avec le monde extérieur un lien étrange, plus rêvé que réel. Les Mouche, voisins improbables sur lesquels le narrateur se perd en conjectures et qu’il voit apparaître dans des visions semi-conscientes, tout comme le SDF, homme sec qui se propose de cohabiter avec lui, existent-ils vraiment ou sont-ils les pures créations de son cerveau ? Dans ces pages dépressives on avance à tâtons, sans toujours tout comprendre, intrigué. Clos sur lui-même, égaré par moments, le texte est plutôt anxiogène dans son ressassement tortueux, zébré de récits oniriques quasi surréalistes et traversé d’éclairs de lucidité, comme dans ce passage où le narrateur relève le sol de sa maison et s’absorbe dans cette tâche physique, “oubliés les rêves éphémères, les écritures inutiles, épuisantes, vaines, les fantaisies délétères. Le sol, rien que le sol, le terre à terre, du solide, du sérieux…” C’est justement cela le problème, sortir d’une solitude dont on ne sait plus si elle est choisie ou absolument subie. J’entre enfin fait partager aux lecteurs cet enfermement en soi, cette interrogation que chacun peut porter sur la consistance de ses jours, ce flottement que Francis Bérezné restitue au détour d’une promenade : “Hier après m’être engagé le long d’une berge, je me suis soudain retrouvé à cheminer sur l’autre. Ai-je dormi entre les deux, ai-je rêvé ? Était-ce seulement une distraction ? La vue du fleuve m’a soudainement rendu au monde, mais les reflets dans son eau, en déchirant le paysage, m’ont brisé l’âme, m’ont courbé, assommé, échiné.” »

[Santé mentale, Albane Salleron]
 […] Jeune homme sans domicile fixe, sans repère, le narrateur squatte, après plusieurs mois d’errance, cette petite maison jaune, sur une île, en Normandie, il « entre enfin » quelque part, presque chez lui […] Écrire lui permet de savoir quoi penser de ce passé. Il écrit des rêves car le réel s’apparente parfois confusément à l’irréalité. Ces rêves qui raccrochent encore un pauvre type à la vie. Et chaque jour il s’attable à son bureau de fortune, associant magnifiquement l’écriture au dessin. Son écriture est liée à ce qu’il voit, plus qu’à ce qu’il entend. Ses voisins sont ses amis, il veille à cette amitié, à sa façon. « Quand les vivres me manquent, je vais dans leur frigo », un fil rouge relie sa maison à la leur ; sans l’aide de ses saints patrons, que devenir ? Pourtant, parfois, ils lui ferment la porte au nez, ne voulant plus qu’on les dérange malgré leur maison si accueillante. Progressivement, il devient fou de solitude. […] À travers ce texte pudique, sensible, on suit avec netteté le décrochage psychologique du narrateur.