[Virginie Mailles Viard, Le Matricule des anges]
 Entre Königsberg et Kaliningrad, Karin Biro-Thierbach et Adam Biro cherchaient de l’ambre et des racines. Partis en Prusse orientale en quête du passé du père défunt de Karin, ils ramènent chacun un carnet de voyage. Et un livre qui n’a ni début ni fin. Imprimés tête-bêche, les textes se répondent, conversent, se lient dans l’amour réciproque de leurs auteurs qui affleure sans cesse. Karin Biro-Thierbach file sur les routes de la Lituanie continentale qui la mène vers l’isthme de Courlande et « la dimension mythique et insaisissable des coordonnées géographiques de ces contrées ». Elle sait les ossements qui se cachent sous les plages de sable fin, elle entend les pas des âmes errantes abattues en pleine nuit. De Palanga à Neringa, vers Kaliningrad, les étapes s’égrènent, et l’Histoire défile. Petit Poucet avide des maigres miettes qui lui permettront de redessiner l’ombre du père. Mais que faisait-il quand… ? « Que s’est-il passé au grenier, derrière cette porte que je fixais depuis mon lit d’enfant ? » Savoir, vider « la boîte en carton, informe, cabossée, débordante de reproductions poussiéreuses de tableaux médiocres d’expressionnistes allemands. » Le carnet d’Adam Biro, éditeur de livres d’art, se présente comme un album photos : invisibles, mais dûment décrites, supports fantomatiques à sa souffrance immense – « À quoi en sommes-nous arrivés ? Quelle vie humaine misérable avons-nous fabriquée au bout de tous ces millénaires ? » – à une réflexion sur la (imp-) possibilité d’une paix entre les hommes. On glisse aux côtés de ces deux voix, le long de leurs langues sans fioritures, à l’oralité franche, vers Kaliningrad défaite, refaite, à jamais détruite malgré les faux-semblants de reconstruction. « Foin de romantisme portuaire. Tout se rouille, l’eau croupit, les grues sont immobiles […]. Pas de bistrot au port »