[Alain Baraton, «La main verte», France Inter, 16 novembre 2013]
« …C’est l’histoire d’un homme qui revient dans le village de ses aïeux et qui décrit la campagne avoisinante*, les travaux qu’il entreprend dans sa propriété, les allées et venues d’une camionnette mystérieuse…
Tout ça c’est fabuleux, c’est joliment écrit, la description de la campagne est faite avec un talent inoui.
J’ai pris un plaisir à lire ce livre, vous n’avez pas idée… Ce livre est véritablement un petit bijou. Je ne parle jamais de romans mais là vraiment c’est sublime. »
[Le Matricule des anges, n° 147, octobre 2013.]
La couverture balance entre rose framboise et gris de nulle part, le titre oscille entre décasyllabe dérivé d'un haïku made in France et mystérieuse moitié de prescription pour des jardiniers amateurs. Rien de franchement bucolique pourtant dans ce livre attachant de Xavier Gardette. Cent jours après la floraison des lys est le récit un rien bourru (« On ébouillante les tégénaires, on assourdit les taupes. Quel programme. »), un rien poétique (« C’est le temps des cerises. Un ciel de vent fou met à bas les Montmorency rosissant à peine. Ou bien sont-ce Reverchon, Bigarreaux, Napoléon, Cœur de pigeon, je ne saurais dire. ») du temps qui passe et de l'espace qui se métamorphose dans un hameau de la Nièvre. Le narrateur, qui doit avoir plus d'un cran de parenté avec l'auteur, n'est ni un néo-rural gaga, ni un paysan enraciné, juste un homme en répit, qui s'efforce, joliment, maladroitement, de donner son « intelligibilité » au monde qui s'offre, pas souvent comme une offrande, à son regard. C'est un solitaire plein de sollicitude, une « bernique fatiguée qui trouve son rocher et s y empoisse », « de la paroisse qui ne cueille pas les fleurs sauvages », et qui traque les lézardes dans son toit comme l'arrivée du printemps ou de ses furtifs voisins. Le hameau, ses pèlerins, ses pressés, ses personnages d'un autre âge (Célimène, Polydore, Pandolphe…), ses « arcandiers » (comprendre « glandus »), ses roses trémières et ses renards pas malins (pour ne pas mentionner l'inévitable séquence d'écorchage de lapin en chaussettes)… Mais cette campagne ne tourne pas si rond : l'irruption répétée d'un camion blanc sans marque d'immatriculation éveille les interprétations et les peurs les plus folles (« Même dans les noyaux cachés de pauvreté rurale baignée d'alccool on sait dire les bornes quand on a oubli éle reste. »), la visite des émissaires de la modernité et autres « Wisigoths de la Préfecture », la rencontre avec un ragondin ou une fée en salopette font basculer le récit dans la fantaisie et la chronique grinçante. Manière d'égrener les saisons, d'écrire malgré tout la durée du sablier, d'habiter le monde. Une bolée d'humour et d'humilité. Presque rien.
Chloé Brendlé