[Blaise Royer, « Le roman tragicomique d'une prof en REP », Réseau Canopé, juin 2019
« La valeur documentaire de Chercheurs de diamants ne saurait se réduire à la suite d’anecdotes qui en font la matière, et qui en soi viennent alimenter un tableau plutôt sombre de l’état de l’éducation prioritaire. Ici le témoignage prend corps dans la fiction libératrice d’une parole intime qui rend compte de ce qui fait le quotidien d’un enseignant d’éducation prioritaire. Il y a surtout une thèse – qui n’est pas nouvelle, mais trouve ici sa parfaite illustration : la classe est la scène d’une performance qui engage les corps, les émotions et les sentiments des élèves et enseignants qui en sont les acteurs. […]
Il y a là une ébauche de sociologie intime qui se nourrit d’une sorte de psychologie empirique des élèves alimentée au fil des années et des anecdotes comptées. Surtout, l’on passe de l’effet de cette confrontation sur l’enseignante à une attention plus fine portée aux élèves, en racontant comment celle-là a pris conscience de la manière dont les corps de ses élèves témoignaient de leur histoire de vie, parfois tragique. Et l’on comprend mieux les échecs, les révoltes, les actes désespérés. Et l’importance d’aimer les élèves.
Pour peu qu’il s’attache au personnage de Sophie, le lecteur trouvera un grand intérêt à la lecture de Chercheurs de diamants. Le choix de donner au témoignage une forme de fiction dramatique permet d’éviter certains écueils comme celui du plaidoyer, tout en défendant une certaine vision du métier, comme ce que la pratique du théâtre ou de la littérature a pu apporter – ou non – à l’enseignante et à ses élèves. Le résultat est un livre attachant, sincère et cathartique sur l’école en éducation prioritaire. Sans être révolutionnaire sur la question (et sans en avoir la prétention), l’ouvrage vient enrichir le corpus des documents grand public consacrés à l’école aujourd’hui. » Lire l'article en entier sur le site du Réseau Canopé »
[J.G. et A.-M.D., Notes bibliographiques, juin 2019]
« L'auteure, agrégée de français, quitte son collège, en REP (Réseau d'Éducation Prioritaire) de la banlieue nord de paris. Elle fait ses cartons, range ses affaires et se remémore les dix années qu'elle vient de vivre, elle qui fut, bien des fois, la seule blanche de sa classe. Elle devait s'adapter vite et bien, pour s'occuper de ces « cabossés de la vie », qu'elle a aimés. On lui confiait « les cas » : parents illettrés, souvent absents, enfants non désirés, mais qui ne rêvent que du lycée pour les sortir de l'ornière, alors qu'ils peinent à entrer en voie professionnelle. Une confession intime, vivante et réelle, sans pathos, ni acrimonie. Il y a beaucoup d d’amour entre le professeur et ses élèves, une fois les peurs dépassées. Un témoignage émouvant sur le dévouement de l'enseignante, la difficulté de communiquer et l'amour réciproque avec les élèves, une fois les tabous renversés. Un livre bouleversant, que ce soit du côté des jeunes déshérités ou du professeur engagé. La lecture est captivante, et conduit à s’interroger : et maintenant que faire Comment réussir la mixité sociale. »
[Mireille Duteil, « De l’enfer au paradis », Le Point références, sept.-nov. 2019] « Pour tout un chacun, être professeur en REP, c'est quelque chose entre l'enfer et le purgatoire. Mais certains jours peuvent aussi être le paradis, raconte avec humour et talent Géraldine Doutriaux. Son livre, savoureux, est mené au galop. […] La première année, la jeune prof venue des beaux quartiers a du mal à ne pas détester cette poignée de sixièmes, « des bébés balaises, pas cadrés, paquet de mélasse à ne surtout pas bousculer sous peine de réveiller la bête, six cas sur une classe de 25 », raconte-t-elle. Le choc est violent. « J’arrivais en classe avec la furie d’un gros 4x4 prêt à ne rien laisser passer et eux avec l’énergie d’un bolide prêt à tout se permettre. » Pourtant, au fil des mois, les deux camps s’apprivoisent. Mais l’investissement personnel est lourd ; il faut innover dans la pédagogie, créer des ateliers d’écriture et de théâtre… « Nous comme d’anciens rois déchus reconvertis dans le charlatanisme, du fait qu’on nous a enlevé notre couronne et notre principal argument – que le savoir est un idéal, que le savoir engendre un bon métier », constate-t-elle. « Notre château s’effondre, le roi se meurt et bégaie des promesses d’un temps ancien auxquelles plus personne ne croit. Du coup, c’est la Bastille tous les jours. » Pourtant, quand ces élèves se coulent avec talent dans les rôles de Créon ou Antigone, ou se montrent atterrés en apprenant qu’elle est nommée à Paris, c’est cela, le paradis. »
[Yves Jaeglé, Le Parisien, 28 juin 2019]
« Géraldine Doutriaux, ancienne journaliste devenue prof en REP, raconte le quotidien des quartiers difficiles. Avec vérité et tendresse.
Envoyée au front. Volontaire à tous les sens du terme. Engagée, plus socialement que politiquement. En REP, qui n'est pas une République étrange mais le Réseau d'éducation prioritaire, ce sigle qui a remplacé ZEP pour nommer les zones difficiles de banlieues plus ou moins lointaines, où l'enseignement peut prendre des allures de sport de combat ou en tout cas de face-à-face mental à haute incertitude entre le professeur et ses élèves. Géraldine Doutriaux, ancienne journaliste au Parisien, chanteuse à ses heures, metteur en scène, enseignante agrégée de lettres modernes, a réussi avec « Chercheurs de diamants » une chronique de la vie scolaire, entre roman et carnets de bords.
Roman, car l prof jeune mais déjà chevronné - on apprend à la vitesse de l'éclair quand l'urgence est déjà d'être respectée - se met en scène comme rarement. Oui, elle avoue sa peur, parfois, pas de la violence – ses collégiens ressemblent à des oursons bourrus et ingérables mais pas vraiment méchants – mais de la perte d'autorité. « Des bébés balaises pas cadrés », comme elle dit. Le prof doit souvent, plutôt que hausser le ton, comme une actrice, trouver la réplique qui mettra les rieurs de son côté, sans rien lâcher.
Cet autoportrait d'un prof heureux touche au cœur par un très beau paradoxe. Manifestement, Géraldine Doutriaux aime enseigner, et particulièrement dans ces lieux que beaucoup de ses collègues cherchent à éviter à tout prix. Chaque victoire minuscule sonne comme un bonheur majuscule. Pourtant, elle ne nous épargne rien de ce qui semble rendre la notion même d'enseignement à la limite de l'impossible. « Au début, je les détestais tous », avoue-t-elle au moment de la rentrée des 6e. Mais elle comprend vite qu'elle est « à sa place », de celles qui donnent un sens à l'existence.
Sa galerie de portraits de collégiens nous fait comprendre à côté de quoi et de qui on passe, à cause d'un mot déplacé, d'un regard de morgue. Oui, ce sont souvent des blocs de nervosité, d'agressivité. Mais aussi d'humanité. Si enseigner, c'est accoucher, « Chercheurs de diamants » témoigne de ces éclats somptueux, quand une vraie rencontre a lieu, fut-ce un instant. Quand le travail est fait. L'un ne va pas sans l'autre.
Géraldine Doutriaux confirme par sa pratique et son style d'écriture incisive, humaine, et d'enseignement sans froideur, mais sans renoncement — tout ce que le célèbre neuropsychiatre Boris Cyrulnik écrit sur les mal partis de l'existence : seule l'affection, l'attention, permettent la réflexion. Il ne s'agit jamais ici de reculer pour l'enseignante, mais au contraire d'avancer quoi qu'il arrive. Un récit sur la difficulté et la grandeur d'être prof. Voilà qui pourrait, pourquoi pas, faire naître des vocations. »