[Virginie Mailles Viard, Le Matricule des anges, janvier 2023] « Voilà un moment qu'il a quitté ses terres du Jura suisse, l'écrivain-paysan Jean-Pierre Rochat. Ces terres brûlées, c'est son cœur en miettes. Il a raconté ce départ forcé dans Petite brume (prix du roman des Romands 2018). Ce qu'il a laissé derrière lui, c'est une paysannerie méfiante, “les rideaux à moitié tirés”, et des jeunes qui font des dettes “pour une mise aux normes de l'agriculture des géants. Fini les trois poussins sous une poule, si on parle poussins c'est par milliers.” Dans ce nouvel ouvrage sous-titré Journal d'ici et d'hier il repart, de son plein gré, mais ce coup-ci ce sont les genoux qui le lâchent. Ce long voyage durera…, neuf jours. Mais ça fait un sacré livre au bout du compte. Il a du poids sur les épaules, avec son sac à dos, et il déballe ses “vieilleries” : ce sont les histoires d'antan, à ne pas perdre “dans les courants du temps”. Langue parlée, langue hachée, histoires courtes, comme “des petits tableaux portables”. Il raconte sa vie d'avant, avec les chevaux, avec les taureaux, ce qui explique pourquoi aujourd'hui il a mal aux os. […] Textes brefs, sans direction — où va-t-on ? que lui veut cette juge ? —, lire Rochat, c'est voir se dresser les personnages, les rencontres, les lieux, au fur et à mesure où il les voit, et ça peut-être à l'envers, de travers, et ainsi va la langue, qui te parle directement à toi le lecteur, tu es pris dans cette galère et dans ce voyage qui tourne en pénitence. »