[Virginie Mailles Viard, Le Matricule des anges, mai 2023] C'était il y a bien longtemps, c'est sûr, sinon tout le monde s'en souviendrait. Le temps où la France était une terre d'accueil. Certains territoires ne l'ont pas oublié, et ce petit coin des Pyrénées-Atlantiques en fait partie. L'autrice est bénévole pour recevoir douze migrants de Calais et les accompagner dans l'apprentissage de la langue française.C'est le point de départ d'un texte qui questionne les mots et les corps, un texte fragmenté qui nous saisit par la dextérité avec laquelle Patricia Rieffel migre d'un point de vue à l'autre. Le regard de celles et ceux qui reçoivent, et celui de ces hommes qui ont fui un pays qu'ils aimaient. Le récit tire le fil, triture la question, et chaque pas dans cette transition - ils attendent leur permis de séjour - est lu à l'aune de cette fuite tragique, d'une migration qui les habite en permanence, et qui occupe ici chaque espace du texte, de la langue. Les migrants, « étrange participe présent qui les enferme dans un mouvement perpétuel », sont douze hommes qui ont soif d'apprendre: ils arrivent en avance en cours, ne veulent plus faire de pause. « Nous ne pensions pas que ces corps perdus en France seraient si assidus pour /reprendre/connaissance. » […] Ce texte, éminemment poétique, nous fait vivre l'expérience d'une transhumance, celle où l'on passe de soi à l'autre, comme ces hommes courageux ont traversé la Méditerranée, et le « je », et le « nous », et le « on », alternent, jusqu'au passage du mur de l'altérité. |