[Marie-Hélène Dacos-Burgues, Revue Quart-monde, 268, déc. 2023]
 Dans ce livre dense, émouvant, riche, il est question de migrants dispatchés aux quatre coins de la France au moment où on a voulu évacuer la zone de Calais dans laquelle ils se cachaient. […] « Fragiles comme du verre, il nous faut veiller à leur parler comme on approche le merle, comme on parle au cristal posé en équilibre entre le jour et la nuit, autrement ils cassent et ils s’évanouissent, on ne les voit plus pendant des jours […] » Ainsi s’exprime avec tendresse Patricia Rieffel, une bénévole, l’auteure du livre. […] Le beau texte qu’elle nous offre, issu de son journal intime, est organisé en très courts chapitres, autour des différentes leçons sur la langue et de la multitude de questions qui se posent à eux, à elle. C’est un long monologue introspectif pour arriver à comprendre ces personnes dont elle a un peu la charge. Passé, présent, avenir s’entrechoquent avec poésie surtout, distance essentiellement, et empathie nécessairement. […] À peine cite-t-elle tel ou tel événement, comme telle ou telle bizarrerie de leur langage, comme quand ils disent « il fait pluie », formule calquée par eux sur « il fait soleil ». […] Enfin, avec un peu de crainte parle-t-elle de l’issue de ces deux ans d’attente, de l’intégration qu’ils ont faite des mots et des usages de leur nouveau pays. C’est un premier ouvrage à diffuser largement.
 


[Virginie Mailles Viard, Le Matricule des anges, mai 2023] « C'était il y a bien longtemps, c'est sûr, sinon tout le monde s'en souviendrait. Le temps où la France était une terre d'accueil. Certains territoires ne l'ont pas oublié, et ce petit coin des Pyrénées-Atlantiques en fait partie. L'autrice est bénévole pour recevoir douze migrants de Calais et les accompagner dans l'apprentissage de la langue française. C’est le point de départ d'un texte qui questionne les mots et les corps, un texte fragmenté qui nous saisit par la dextérité avec laquelle Patricia Rieffel migre d'un point de vue à l'autre. Le regard de celles et ceux qui reçoivent, et celui de ces hommes qui ont fui un pays qu'ils aimaient. Le récit tire le fil, triture la question, et chaque pas dans cette transition - ils attendent leur permis de séjour - est lu à l'aune de cette fuite tragique, d'une migration qui les habite en permanence, et qui occupe ici chaque espace du texte, de la langue. Les migrants, “étrange participe présent qui les enferme dans un mouvement perpétuel”, sont douze hommes qui ont soif d'apprendre : ils arrivent en avance en cours, ne veulent plus faire de pause. “Nous ne pensions pas que ces corps perdus en France seraient si assidus pour /reprendre/connaissance.” […] Ce texte, éminemment poétique, nous fait vivre l'expérience d'une transhumance, celle où l'on passe de soi à l'autre, comme ces hommes courageux ont traversé la Méditerranée, et le “je”, et le “nous”, et le “on”, alternent, jusqu'au passage du mur de l'altérité. »
 


[F.D., Le Dauphiné libéré, 3 avril 2023] « Mais ce jour-là, dans ce petit village des Pyrénées, ils étaient douze et on les attendait, on les accueillait. Le maire, les adjoints, la presse locale, un traducteur, des représentants du Centre d’accueil pour demandeurs d’asile et toute une équipe de bénévoles. Tous décidés à faire de leur mieux, à donner un peu d’eux-mêmes pour accompagner ces douze-là sur un nouveau chemin, pour leur donner un peu d’élan vers une nouvelle vie. Une histoire, des histoires vécues. Des mots donnés, appris, partagés pour un récit bouleversant qui touche tout droit au cœur. Tout autant qu’il incite à se poser des questions sur nos propres regards, nos propres implications. Et si c’était nous ? »
 


[Marie-Odile Terrenoire, « Après la jungle, le long chemin vers l'intégration », Démocratie et spiritualité, 26 sept. 2023] « Les migrants viennent du Soudan, de l’Érythrée ou du Tchad. Le livre, inspiré du journal de Patricia, rend compte de leur courage, de leur soif d'apprendre et de leur détermination. […] Patricia éprouve de l’intérieur leur souffrance mais sans compassion car ce qu’elle ressent, est plutôt de l’ordre d’une immense admiration pour ces hommes qui ont frôlé la mort et ont surmonté tous les dangers […] C’est par bribes que les bénévoles reconstituent leur récit […] Ils ne se sont jamais rendu compte qu’ils étaient courageux. […] Loin des lieux comme les marchés où on les dévisage avec des regards méfiants, la médiathèque offre un abri où ils peuvent même écouter de la musique de leur pays. Patricia renouvelle son regard sur son environnement familier à travers les yeux de Rashad, Abdelaziz et Sadeq. Ils ont besoin de chaussures et vont à Décathlon. Il y a trop de rêves en ce lieu dont il faut se méfier. C’est indécent. […] Bon an mal an, ils ont tous – sauf un — obtenu des papiers et ont trouvé du travail et un logement. Sadeq enchaîne les missions d’intérim dans le BTP. Salil est employé à la mairie pour nettoyer les parcs et jardins et les toilettes publiques, Abel est agent d’accueil dans le métro à Lyon, Garang, l’ancien journaliste, est réparateur de vélo. Mahjoub a intégré une formation de chaudronnerie. Un peu moins de la moitié des migrants est resté en contact avec les bénévoles. Les liens d’amitié tissés pendant ces deux ans perdurent et se sont confortés. On sent que l’échange en fin de compte s’est fait d’égal à égal, autant profitable pour les bénévoles que pour les migrants. C’est un beau livre que celui de Patricia Rieffel. Il raconte avec une écriture infiniment poétique le glissement de ces damnés de la terre vers une humanité plus douce où l’entraide est la base. »